L’épreuve du Burger de la Mort

Drôle de titre pour un billet sur l’ergonomie équestre n’est-ce pas ? Je dois vous avouer que j’en suis pas peu fière (big up à mes parents ! 😉 ).

Le Burger de la Mort est une épreuve du Burger Quiz, jeu créé par Les Nuls dans les années 90. Vous ne voyez pas le rapport avec une séance d’ergonomie équestre et pourtant, ça va venir.

 

Cette épreuve du jeu consiste à retenir 10 questions posées d’affilée et de n’y répondre qu’à la fin. C’est un exercice de mémorisation vraiment très difficile. D’ailleurs, peu de gens ont réussi à gagner le Burger de la Mort et répondre juste et dans l’ordre aux 10 questions .

 

Allez, je vous donne la raison de cette étrange introduction. Aujourd’hui on va parler du nombre d’embouchures/ennasures qu’on essaie durant une séance d’ergonomie équestre et pourquoi !

 

 

Pédagogie !

 

Ceux qui me connaissent un peu ou qui m’ont fait venir pour une séance le savent : la pédagogie est au cœur de ma pratique. Je tiens vraiment à expliquer le pourquoi du comment de ce que l’on fait. Et faire en sorte que les cavaliers s’approprient ces informations.

 

J’aime comprendre comment ça marche et surtout pourquoi ça marche. Et j’aime que les cavaliers le sachent aussi ! Adapter son discours et le rendre compréhensible est un gros boulot que je ne réserve pas qu’au blog.

 

Durant une séance d’ergonomie, il y a un apport considérable d’informations. Pour le cavalier ET pour le cheval. Parfois ce sont de vieilles croyances qui se trouvent bousculées. Des informations qui étaient inconnues, des réponses du cheval surprenantes… Bref, la masse d’informations à piocher, comprendre, trier et intégrer est parfois considérable.

 

 

 

 

Mécanismes d’apprentissage

 

L’un des aspects de notre travail d’ergonomie équestre auprès de vous est de faire en sorte que ces informations soient claires, pertinentes et percutantes. Ceci afin que vous puissiez comme dit plus haut, vous les approprier. Et les lier aux sensations que vous avez eu pour chaque essais. C’est comme ça que l’on peut vous aiguiller. Et que vous pouvez comprendre les motivations de tel ou tel choix ainsi que les résultats obtenus.

 

Pour se faire, nous utilisons la logique des principes d’apprentissages (vous pouvez en apprendre un peu plus à ce sujet dans mon article sur l’effet kiss-cool ou bien ici). Une autre composante entre en jeu à cheval : les sensations. Elles font partie intégrante de ces apports d’informations.

 

 

La quantité est un problème

 

Le cerveau est quand même super bien fait et nous permet de retenir une quantité assez incroyable d’informations. Cependant, il fait aussi un travail de tri et de priorisation de certaines informations au détriment d’autres. Ce tri se fait inconsciemment et est influencé par les différents biais cognitifs que nous y appliquons également inconsciemment. Ce qui fait que ce que vous retenez n’est pas forcément le plus utile mais le plus « rassurant » pour vous. Surtout que ces informations se trouvent dans un référentiel totalement nouveau : la séance de conseil en ergonomie équestre.

 

 

 

Voici le codex des biais cognitifs. Vous pouvez en apprendre plus sur ce billet de blog passionnant.

En terme d’embouchures et de briderie plus on multiplie les essais, plus on “perd” cavalier et cheval. Comment retrouver avec clarté et justesse informations et sensations obtenues pour chaque essais si on en a fait 5, 10, 15 ?!

 

Comme je vous l’explique dans cet article, une séance de conseil en ergonomie est un exercice difficile et fatiguant. Si cet aspect est un peu moins impactant pour le cavalier selon son niveau, il fait quand même vraiment réfléchir. Il est également très impactant pour le cheval. Ce dernier doit s’adapter sans cesse à de nouveaux paramètres, stimuli et adapter en permanence sa façon d’y répondre. Bref, tout le monde cogite !

 

 

De même, pour l’ergonome, il est TRÈS important de pouvoir se rappeler de chaque cavalier, chaque cheval et chaque essais qu’on a pu faire, à chaque fois. Si vous m’appelez plusieurs mois après votre séance pour me demander des infos, soyez sûrs que je saurai qui vous êtes, qui est votre cheval et ce qu’on a fait et dit ensemble. Ceci aussi fait parti du travail et c’est la même chose pour chaque ergonome équestre, quel que soit son domaine (sinon comment parler de suivi ?).

 

 

Et donc : le Burger de la Mort

 

Pour en revenir à ce (superbe) parallèle avec le Burger Quiz… On constate que dans l’épreuve du Burger de la Mort, peu de candidats arrivent au bout.

 

 

Petit florilège de questions du Burger de la mort. Comme vous le voyez, elles n’ont rien de difficile ! Et pourtant !

Je crois que j’ai regardé pas loin de tous les épisodes de ce jeu, que ce soit dans les années 90 ou récemment. Tous les candidats bloquent toujours vers la quatrième ou la cinquième question. À la quatrième ils sont déjà en peine, la cinquième demande un effort de mémoire considérable et ensuite c’est le trou total…

 

Vous voyez le parallèle ? Ces questions entraînent des réponses d’un seul mot ou une phrase très courte et pourtant les candidats sont perdus.

 

Comment peut-on alors décemment imaginer qu’au bout du 10e mors tout soit toujours clair ?
Le cavalier ne sait plus distinguer toutes les subtilités.
Le cheval ne sait plus à quel saint se vouer.
La saturation est totale !

 

Lors d’essais de selles, vous grimpez sur 10 selles ? Non hein. Ben c’est tout pareil pour les mors.

 

 

L’ergonomie est pas copine avec le hasard

 

Il est important de distinguer ce qui est « normal » et ce qui ne l’est pas. Si je fais venir un ostéo pour mon cheval, est-ce que je vais accepter qu’il tripote l’animal jusqu’à trouver au petit bonheur la chance quelle articulation mobiliser ? Bien sûr que non (d’ailleurs, je serait en droit de me demander si cette personne est vraiment ostéo !)
Idem, si je fais venir un conseiller en ergonomie de la selle ou un saddle-fitter, est-ce que je monte sur plein de selles complètement random jusqu’à ce que le cheval ne réagisse pas trop et qu’on me dise : « c’est celle là qu’il faut ! ». Non, bien sûr que non (et là aussi je serait en droit de me demander si la personne est vraiment ce qu’elle dit).

 

 

 

Ben ouais, y’a de quoi !

Le boulot du conseiller en ergonomie, donc, c’est de vous aider dans le choix de l’équipement pour votre cheval. Pas de vous “perdre” au point que vous ne puissiez rien retenir, que tout le monde soit blasé et que la magie opère par la vampirisation totale de l’énergie du cheval et/ou du cavalier…

 

 

C’est de la logique !

 

À titre d’exemple, voilà un bout de ma démarche personnelle :

 

Le petit questionnaire dont on discute avant le RDV me permet de savoir un peu “où je met les pieds”. Savoir en amont qui vous êtes, qui est votre cheval, quelle est votre histoire, quels sont les comptes rendus dentiste/veto/ostéo, quels sont les problèmes que vous rencontrez…Tout ceci me donne déjà de précieuses informations et me permet sans même vous avoir vus d’orienter mes choix.

 

Ensuite, le jour de la séance, j’observe votre cheval, je fait ma palpation, mon analyse morphologique, je prend des mesures. Cette étape permet d’affiner mes choix (oui parce que j’ai déjà une liste dans la tête avant même d’arriver !). Je fait le tri des formes, des designs, des tailles.

 

L’observation de votre fonctionnement avec le matériel habituel est aussi une mine d’or d’informations pour moi ! Cette étape là me permet de terminer mon pré-tri et de cibler au plus juste. Ça ne veut pas dire que je vais proposer immédiatement THE solution. Car il y a aussi l’effet de surprise, ne l’oublions pas, qui peut fausser les observations. 
Soit on rentre dans le vif du sujet, soit on y va progressivement, soit on fait l’inverse de ce qui semble être recherché pour affiner le choix (ce dernier point me sert beaucoup au niveau des préférences de répartition des pressions du cheval, par exemple). L’approche dépend des individualités.

 

Bref, au terme de ces étapes, on a encore rien essayé et pourtant je sais déjà ce que je vais vous faire essayer et pourquoi.

 

 

3 combinaisons

 

En relisant tous mes compte-rendus, je suis sur une moyenne de 3 embouchures (ou combinaisons briderie / embouchure) avec un minimum de 2 et un maximum de 5. Et encore, ce dernier chiffre n’est sorti que 2 fois, pour des situations très particulières. Chacun de ces essais est expliqué durant la séance. Ils sont ensuite détaillés dans le compte-rendu.

 

C’est mon boulot de faire ce pré-tri et d’avoir un schéma clair dans la tête. C’est mon boulot d’ergonome équestre de savoir tout ça. Notre boulot (oui, je ne suis pas un cas isolé et mes collègues de la selle chez Ergonomie Équestre travaillent aussi ainsi).

 

Si l’objectif est d’essayer des combinaisons jusqu’à ce que le cheval valide quelque chose, autant ouvrir une sellerie ambulante.

 

 

Voici un extrait d’un de mes comptes-rendus, où l’on peut voir les enchaînements logiques découlant des différents axes d’amélioration

Un autre gros soucis : la rétention d’informations

 

 

Fuyez les constipés de l’info

Je profite de ce billet pour en parler… Malheureusement je remarque que c’est cet aspect qui fait le plus de mauvaise pub aux “bit fitters” dans les retours qu’on m’envoie ou que je lis ça et là.

 

Durant une séance, cavalier et cheval doivent s’ajuster soit à de nouveaux paramètres soit à des variations parfois très subtiles. Ces expériences avec chaque combinaison bridon/bride – embouchure/ennasure peuvent être claires et facilement analysables (mon cheval est vraiment mieux / il est moins bien) ou plus subtiles (je sens un changement mais je ne saurais pas l’expliquer).

 

 

Chaque question doit trouver réponse

 

Pour chaque essai et pour chaque changement de paramètres, il y a toujours ces ajustements de la part du cavalier et du cheval. 
Pourquoi je vous fait essayer cette embouchure ?
Pourquoi j’ai changé votre frontal ?
Pourquoi je vous en fait essayer une autre ?
Pourquoi je pense que cette solution est la meilleure pour votre couple en l’état actuel des choses ?
Pourquoi votre cheval était moins bien avec l’embouchure précédente et mieux avec celle-ci ?

 

 

On sait l’expliquer et on doit le faire. C’est la différence majeure entre un professionnel et une personne venue se faire un billet sur votre dos. C’est la pertinence de chaque essai qui est importante. Et votre compréhension de chacune d’elle. Non négociable !

 

 


Retenez donc bien ceci :

 

Plus on multiplie les essais, plus on “perd” cavalier et cheval.

L’assimilation des informations doit être rendue facile, l’exercice en lui-même étant déjà assez demandeur pour tout le monde. Celles-ci doivent être claires, précises, pertinentes. C’est pour notre expertise en ergonomie équestre que vous nous faites venir. Et c’est précisément pour cette méthodologie et cette éthique que c’est du conseil en ergonomie équestre.

 

 

Ha si, pour conclure vraiment : jouez au Burger Quiz, c’est absurde et rigolo (et même on apprend des trucs des fois).

 

 

À bientôt !

Laetitia Ruzzene

Laetitia Ruzzene

Cet article a été écrit par Laetitia Ruzzene et appartient au titre des droits d’auteurs au site https://www.bit-fitting.fr. Les textes contenus dans cet article peuvent être réutilisés ou distribués dans la mesure de la mention de son auteur ainsi que de l’origine de l’article (lien URL direct).

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