Poney, binocles & performances

Vous êtes dubitatifs devant ce titre, je le sait. Et pourtant, il revêt une grande importance lorsqu’on parle de sport et de posture. Aussi, le sujet d’aujourd’hui pourrait tout à fait servir à des sportifs, amateurs ou pas, en proie à des problèmes de postures divers et variés.

Ça a toujours été mon cas et je vais parler de mon expérience de la chose puisqu’elle a changé ma vie de cavalière. 

Let’s go les binoclards (et pas que) !

Visualisons (haha) le décor

Les problèmes de vue en France, c’est plus de 70% d’adultes présentant des gênes visuelles diverses. Celles-ci sont corrigées ou pas ; avec une forte prévalence de la myopie. Les femmes sont plus touchées que les hommes et le nombre de cas augmente avec l’âge. 

On va les passer très rapidement en revue maintenant pour pas se demander plus tard « qu’est-ce que c’est quand t’y voit de près mais pas de loin » :

  • Myopie : hé, c’est justement quand tu y voit bien de près mais pas de loin. L’œil est allongé et l’image se forme en avant de la rétine 
  •  Hypermétropie : c’est « l’inverse » de la myopie au niveau de la rétine. L’image se forme en arrière de celle-ci, du coup c’est flou
  •  Presbytie : c’est un problème de « focus ». En gros, la cornée perd de sa souplesse et passer d’une vision proche à une vision lointaine est compliqué
  • Astigmatisme :  la cornée est normalement un arrondi presque parfait. C’est ce que n’ont pas les astigmates (déso). La leur présente une courbe inégale, qui déforme l’image en vision proche et lointaine

Ces affections peuvent être corrigées ou soignées de façon mécanique (port de lunettes, de lentilles) ou rectifiées pour certaines par chirurgie. Il existe – malheureusement – d’autres affections moins courantes comme la cataracte, le kératocône, la DMLA, le glaucome… 

Bref, si vous voulez faire le point sur votre vision ou que vous ressentez une gêne, n’hésitez pas à aller rapidement voir un ophtalmo. Sachant que selon l’OMS, beaucoup de problèmes de vue auraient comme origine l’absence de correction d’un défaut visuel, ce serait balot.

Mais revenons à nos moutons. les problèmes de vue ne sont pas seulement incommodants ou handicapants pour lire (si seulement…). Ils ont un impact sur l’écriture, la concentration, le stress… et, c’est ce qui va nous intéresser ici : sur la posture.

Mais ça...j'le savais pas

Depuis petite j’ai des problèmes de vue, étant myope (génétique) et astigmate (dégénérescence). Et, cerise pourrie sur le gâteau : je suis hyperlaxe ligamentaire. Il s’est passé plein de choses dans mon parcours « clinique » par rapport à tout ça. Le port de semelles orthopédiques notamment, qui se sont révélées être un cuisant échec. Bref.

J’aimerai beaucoup vous dire que la découverte qui va suivre était de mon fait, parfaitement logique et réfléchie. Que, comme je travaille depuis plus d’un an sur la modification de l’équilibre et de la locomotion du cheval induite par les embouchures ; j’ai fini par faire des liens. Qu’à force de recherches, j’ai trouvé.

Ça serait classe. Mais ça n’est pas du tout ce qu’il s’est passé.

À cheval, j’ai pas une position à vomir (à force de travail postural et de musculation, justement) mais j’ai toujours eu des difficultés. Et le besoin de travailler comme une ouf pour des choses paraissant pourtant simples. Ça fait 21 ans que je monte sur des chevaux (aïe, ça fait pas du bien ça) et j’ai toujours eu des problèmes de centrage et de crispation. Mais aussi de pointes de pieds qui sortent et de poignets faibles, « cassés » vers l’intérieur. Il faut dire que je suis relativement bien suivie pour tout ça. De mes bottes à mes étriers, tout a été pensé pour mon fonctionnement, on dit merci à Ergonomie Équestre

Il y a du mieux depuis, maaaaaaaais, ça reste compliqué sur toutes les thématiques citées au dessus.

Et puis, un jour...

Le p'tit Momo en vadrouille

Par un beau matin d’été, je pars échauffer Castagnettes, grâce à petit trotting dans les bois. Vraiment très bien, à ma place. Nul besoin de penser à aligner ceci, faire attention à cela, ouvrir le regard, me redresser… Mais b*rdel, la bonne fée des cavaliers est venue me voir dans mon sommeil ?

Je regagne le carré, commence ma séance et tout s’enchaîne relativement facilement (faut pas oublier que Castagnettes a – lui aussi – de bons soucis posturaux). Là où certaines difficultés paraissaient insurmontables : ça passe. On profite, on fait une vraie bonne séance, récupération et hop, pied à terre. Je me frotte le visage pour enlever une goutte de salive du cher équidé sus-nommé (trop classe) et là…je comprend !

La bonne fée des cavaliers ne s’est pas du tout occupé de moi en fait (nul), j’ai simplement oublié d’enlever mes lunettes.

21 ans de poney les amis. Et je n’étais jamais monté à cheval avec mes lunettes. Pourtant, ça change tout ! Depuis, je ne fait pas une seule séance sans et ma pratique s’en est vue grandement améliorée. 

Si seulement j’avais su ça plus tôt…

Impacts sur la posture

Déjà, définissons la posture. Le SNOF en donne cette définition, que je trouve très complète :

La posturologie est une méthode d'étude pluridisciplinaire de la posture, acte moteur automatique et inconscient qui permet à l'homme d'adopter une position érigée, de stabiliser cette position en statique ou en dynamique et d'élaborer la connaissance spatiale du soi par rapport à son environnement. Elle est le fruit de la mise en jeu d'un système sensori-moteur multimodalitaire complexe dans lequel la vision et la proprioception oculaire jouent un rôle central. Depuis les années 2000, se développe la notion qu’une déficience de ce système est susceptible de donner non seulement des signes physiques mais aussi des troubles cognitifs.

Source : Thèse "Coordination des Mouvements Oculaires dans l'Espace 3D chez l'Homme : substrat Cortical Étudié par TMS" de Marine Vernet - ResearchGate

Depuis quelques années donc, les chercheurs dans les domaines de la posture et de l’ophtalmologie ont lié des causes à effets. La posture, c’est quelque chose de complexe car étant composée de multiples inter-relations ; dont la vue.

Les yeux ne sont pas seuls capteurs jouant dans la posture, puisque il y a aussi les capteurs de la voûte plantaire, ceux de l’oreille interne et ceux de l’appareil manducateur. Tiens, tiens, tiens ! Ces derniers, ce sont par exemple ceux de la langue et des ATM. Vous comprendrez pourquoi je l’ai mis en gras, on va en parler très longuement très bientôt ! 

En gros, les yeux jouent un rôle important dans la posture et son maintient car ils donnent des informations sur « l’intérieur » et l’extérieur » du corps). Double rôle endo et exocapteur. Les yeux sont en outre pourvus de muscles à l’instar d’autres segments de notre corps. Ces muscles peuvent au même titre que les autres présenter des « défauts » de tension, de positionnement, des faiblesses, etc…

Très schématiquement, la déviation même infime des axes visuels peut dégrader la posture et engendrer des symptômes locaux (maux de tête, douleurs cervicales) ou plus loin dans le corps (tout est relié, on ne l’oublie pas). 

SOS mes loons sont toutes pétées

RIP mes loons

Pour vous dire à quel point le moindre petit détail compte, voici une anecdote. Un jour – en pleine tournée Belge – j’ai cassé mes lunettes. Moment intense de panique. J’ai finalement pu trouver une opticienne qui m’a fourni une monture de rechange d’urgence. Sauf que voilà, mes lunettes d’origine avaient des verres taillés et on avait pas le temps de les retravailler. Donc elle a fait au mieux, en cherchant une monture « à peu près taillée pareil ».

Les semaines passent et une gêne s’installe, comme si mon œil droit « tirait » vers l’extérieur. D’autres signes annonciateurs se présentent. Des maux de têtes (alors que je n’en fait jamais !), des douleurs cervicales, à la hanche… Je met tout ça sur le compte du stress et je m’en préoccupe pas plus que ça. Jusqu’au jour où mon épaule gauche est complètement bloquée, avec un pic de douleur juste derrière l’omoplate. 

Aïe

Après avoir vu kiné puis ophtalmo, le verdict tombe. Le verre de mon œil droit a été monté très légèrement désaxé sur la monture de secours. Très légèrement ; c’est à dire qu’on parle de quelques dixièmes de millimètres. Largement suffisant pour provoquer tout ce bazar. Bilan de l’histoire : changement de correction sur l’œil droit (qui a morflé) et mise en place de séances d’orthoptie pour faire des biceps à mes yeux.

Système postural

C’est quand-même bien dommage d’être passé à côté de tout ça ! Ça a fait faire quelques facepalm aux pros qui m’entourent à cheval d’ailleurs. J’avais pensé à tout, sauf à ça. Quand on parle de posture, on parle systèmes posturaux et donc de quelque chose de multifactoriel. Beaucoup de choses entrent dans le maintient de la posture, la vue en est une.

Bien que je sache d’expérience que porter des lunettes peut être ultra chiant et qu’être un sportif à lunettes l’est encore plus ; je ne peut que vous encourager à discuter du lien entre votre pratique, votre posture et vos lunettes aux professionnels de santé qui vous suivent !

Post-scriptum : Après la publication de cet article, j’ai pu discuter de tout ceci avec mes collègues, des cavaliers, ophtalmos et opticiens et je tiens à attirer votre attention sur un truc. Faites vous conseiller par ces deux derniers professionnels absolument ; d’une part pour être sûrs d’avoir quelque chose qui répond à vos besoins (évidement) mais aussi pour trouver une solution sécuritaire. Un verre qui se brise si près de l’œil en chutant de cheval on est d’accord que c’est pas fun DU TOUT. D’où le fait de vous faire accompagner pour conjuguer au mieux votre correction et votre pratique sportive dans la meilleure balance possible ! C’est encore de l’ergonomie 😉

Laetitia Ruzzene

Laetitia Ruzzene

Cet article a été écrit par Laetitia Ruzzene et appartient au titre des droits d’auteurs au site https://www.bit-fitting.fr. Les textes contenus dans cet article peuvent être réutilisés ou distribués dans la mesure de la mention de son auteur ainsi que de l’origine de l’article (lien URL direct).

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