Quelle matière pour mon mors ? (Partie 2)

Et voici la suite de cet article consacré aux matériaux utilisés pour les embouchures. Dans cette seconde partie nous allons passer en revue les matériaux les plus utilisés, leurs avantages mais aussi leurs inconvénients. Nous ne ré-aborderont pas les caractéristiques des matériaux vus dans la première partie, puisqu’elle est là comme base à ce second article.

C’est parti !

 

 

Les métalliques

 

The king of the steel : l’acier inoxydable

 

On commence ce tour d’horizon avec le plus répandu des aciers destinés aux embouchures : l’acier inoxydable.

 

Qu’est-ce que c’est ? L’acier inoxydable, couramment appelé « inox » est un acier, c’est à dire un alliage à base de fer contenant peu de carbone.

 

Cet acier est recouvert d’une couche d’oxyde chromium à hauteur de 16 à 18%. Le chrome a la particularité de ne pas se dégrader en rouille et d’être peu sensible à la corrosion. Cette couche d’oxyde confère à l’inox son caractère inoxydable et le rend pratiquement inattaquable ; la couche d’oxyde étant auto-régénérante.

 

 

Les plus :

 

  • Excellente biocompatibilité
  • Entièrement recyclable
  • Insensible aux produits organiques
  • Grande solidité
  • Longue durée de vie
  • Très répandu
  • Prix moyen €€

 

Les moins :

 

  • Mauvaise conductivité thermique
  • Mauvais équilibrage thermique
  • Poids élevé

 

 

Le maillechort | German silver

 

Qu’est-ce que c’est ? Le maillechort, aussi appelé German silver, est un alliage composé de cuivre, de nickel et de zinc en proportions variables. Il peut être soit de couleur dorée, soit de couleur argentée selon la proportion de cuivre qu’il contient.

 

 

Les plus :

 

  • Matière chaleureuse, bonne conductivité thermique
  • « Goût »
  • Peu onéreux €
  • Très répandu

 

Les moins :

 

  • Ne se maintient pas bien à température
  • Désargentement possible dans la bouche
  • Le nickel peut être allergisant
  • Durée de vie moyenne
  • « Goût »

 

 

L’aurigan

 

Qu’est-ce que c’est ? L’aurigan est un alliage dont le brevet a été déposé par une marque d’embouchures allemande bien connue. Il est composé de 85% de cuivre, 4% de silicium, et 11% de zinc.

 

 

Les plus :

 

  • Monte rapidement à température
  • Reste assez stable en température
  • Beaucoup de « goût »

 

Les moins :

 

  • Beaucoup de « goût »
  • Moyennement durable (haut taux d’oxydation)
  • Assez onéreux €€€

 

 

 

Le sensogan

 

Qu’est-ce que c’est ? Le sensogan est également un alliage dont le brevet a été déposé par une marque d’embouchures allemande bien connue. La différence majeure avec l’aurigan est que le manganèse remplace le silicium dans la composition et que le cuivre y est présent en moins grande quantité.

 

 

Il est assez semblable à l’aurigan donc, y compris dans ces avantages et ses inconvénients. Le manganèse est un oligo-élément important aux nombreuses propriétés mais je ne sais pas si le bénéfice réel de sa présence à été testé à ce dosage dans cette voie d’admission (et si quelqu’un a des infos, je suis preneuse !).

 

 

Le cyprium

 

Qu’est-ce que c’est ? Le cyprium est un cupro-aluminium, c’est à dire qu’il est composé d’une grande proportion de cuivre et d’aluminium (et parfois un peu de fer).

 

 

Les plus :

 

  • Léger et résistant
  • Monte très rapidement à température
  • « Goût » très prononcé
  • Moyennement onéreux €€

 

Les moins :

 

  • « Goût » très prononcé
  • Peu durable (très grande oxydation)

 

 

Le salox gold

 

Qu’est-ce que c’est ? Le salox gold est un alliage cuivré développé et breveté par une grande marque d’embouchures anglaise. La composition exacte n’est pas divulguée mais cet alliage est composée de cuivre et ne contient pas de métaux potentiellement allergènes comme le nickel.

 

 

Les plus :

 

  • Monte très vite à température du corps (7 secondes)
  • Reste stable une fois celle-ci atteinte
  • « Goût » léger
  • Résistant
  • Bonne durée de vie

 

Les moins :

 

  • Onéreux €€€€
  • « Goût » léger

 

 

Le titane

 

Qu’est-ce que c’est ? Le titane est un métal de transition, très résistant, très propre et très léger (masse volumique inférieure d’au moins 40% à l’acier) et les bactéries ne l’aiment pas beaucoup !

 

 

Les plus :

 

  • Très, très léger
  • Résistance comparable à l’inox
  • Très grande durée de vie
  • Excellente biocompatibilité

 

Les moins :

 

  • Peu répandu
  • Reste assez froid-tiède
  • Onéreux €€€€

 

 

Le fer bleu | Fer doux

 

Qu’est-ce que c’est ? Le fer est le métal le plus répandu autour de nous et également un métal de transition. Il ne s’utilise pas à l’état pur mais en mélange avec d’autres métaux qui lui confèrent nombre de propriétés différentes. Sous cette forme, il s’agit d’acier dit doux. Il est généralement très sensible à l’eau et à l’oxygène. La prise de couleur du fer bleu dépend de sa température de chauffe et est le résultat d’une couche de corrosion dont la couleur changera avec le temps.

 

 

Les plus :

 

  • « Goût » très prononcé
  • Léger et résistant
  • Monte rapidement en température
  • Bon équilibre thermique
  • Moyennement onéreux €€

 

Les moins :

 

  • « Goût » très prononcé
  • S’oxyde rapidement, dure moyennement dans le temps
  • Peu répandu

 

 

Les organiques

 

Le caoutchouc

 

Qu’est-ce que c’est ? Le caoutchouc est un polymère qui peut être d’origine naturelle (transformation du latex) ou synthétique (transformation d’hydrocarbures). Naturel ou synthétique, il est forcément mélangé à d’autres ingrédients ou vulcanisé ce qui renforce ses propriétés.

 

 

Les plus :

 

  • Confort d’accueil, douceur du matériau
  • Surface chaleureuse
  • Peu onéreux €

 

Les moins :

 

  • Risque allergisant (caoutchoucs issus de l’hévéa)
  • Reste froid/tiède en bouche
  • Cassant à basse température
  • Élasticité rend les actions « flottantes »
  • Souvent très épais
  • Courte durée de vie
  • Des morceaux peuvent être croqués et avalés

 

 

La résine

 

Qu’est-ce que c’est ? Les résines (nombreuses formulations et compositions différentes) sont des polymères qui peuvent être d’origine naturelle ou synthétique. Ce sont des plastiques. Les résines sont des bases qui, après adjonction d’autres produits, durcissent. Il existe des centaines de types et de combinaisons. Les résines utilisées pour les embouchures sont généralement très résistantes à l’abrasion.

 

 

Les plus :

 

  • Confort d’accueil, douceur du matériau
  • Grande résistance à l’abrasion
  • Répandu
  • Moyennement onéreux €€

 

Les moins :

 

  • Mauvaise conductivité thermique
  • Durée de vie limitée
  • Composition floue / biocompatibilité inconnue
  • Cassant à basse température

 

Attention : Mes connaissances vis-à-vis des résines sont plus limitées qu’avec les autres matériaux. Je n’ai eu à en utiliser et en travailler qu’en aéronautique, que ce soient des résines « alimentaires » ou non et le moins qu’on puisse dire est que la composition de ces résines est très variable mais surtout les précautions d’usage sont nombreuses. Le terme « alimentaire » signifie juste que la résine en question a obtenue une autorisation la rendant apte entrer en contact avec des produits destinés à l’alimentation humaine. Une résine n’est jamais alimentaire en elle-même. 
Qu’en est-il des bouches des chevaux et de la biodisponibilité/biocompatibilité ? Je n’en sait trop rien, simplement que leur ingestion est fortement déconseillée. Une certaine prudence m’anime donc lorsque l’on cause résines sur les embouchures. Il faudrait que je me penche un peu plus sur le sujet mais trouver les compositions exactes et les procédés de fabrication est assez…compliqué. (Et encore une fois, si vous avez des infos, je suis toujours preneuse).

 

 

Le cuir

 

Qu’est-ce que c’est ? Le cuir est la transformation de la peau d’un animal. Pour le cuir de briderie il s’agit généralement de bœuf, de vache ou de porc « à viande » dont la peau est transformée en cuir au lieu d’être brûlée (ça n’est pas le cas des cuirs dits « exotiques »).  Il existe deux grands procédés de tannage (= rupture des chaînes aminées conduisant à la putréfaction) dits « végétal » et « minéral ». L’on va utiliser l’un ou l’autre selon les propriétés mécaniques que l’on veut donner au cuir ainsi que les teintes souhaitées. Pour les embouchures c’est généralement du tannage végétal, c’est-à-dire qu’après certaines étapes communes aux deux procédés utilisant des produits chimiques pour le nettoyage et la stabilisation, le cuir sera teinté grâce à des matériaux végétaux (broux, par exemple)

 

 

Les plus :

 

  • Douceur en bouche
  • Surface chaleureuse
  • Moyennement onéreux €€

 

Les moins :

 

  • Mauvaise conductivité thermique
  • S’abîme rapidement
  • Très souple (hors mors recouverts)
  • Biocompatibilité inconnue

 

Attention : bien que le cuir soit « tanné végétal », il n’a rien à voir avec un procédé plus écologique/plus respectueux de l’environnement. Ce sont simplement que les tanins utilisés sont d’origine végétale, au lieu d’être d’origine minérale ou synthétique. Nous savons que les cuirs destinés à l’habillement et à la sellerie ne créent pas (ou du moins très rarement) de réactions allergiques de surface (= de contact ou de frottement). En revanche, encore une fois, à l’intérieur de la bouche en milieu très humide, je n’en sait trop rien.

 

 

Et pour finir…

 

Voilà, nous avons fait le tour des matériaux que l’on trouve le plus souvent en briderie ! Ceci étant fait, il me reste quelques précisions à vous donner.

 

Tout d’abord, ça n’est pas parce que un matériau a plus de « plus » que de « moins » que c’est absolument celui-ci qu’il faut choisir pour votre cheval (car je rappelle, encore, toujours, que cela dépend de ce que l’on cherche et des préférences de votre cheval).
De même, lorsque je met dans « les moins » la souplesse des mors en caoutchouc ou en cuir, c’est parce que dans la majorité des cas que je rencontre cette souplesse brouille ou retarde les stimuli, rend les directives peu compréhensibles côté cheval. Peut-être n’est-ce pas le cas de tous et peut-être rencontrerais-je un jour un cheval qui me fera dire « ha ben en fait, il faut ».

 

Quant au « goût », il est à la fois dans les avantages et les inconvénients. Pourquoi ? Très simplement car c’est un avantage pour certains chevaux, un problème pour d’autres. Comme on dit « les goûts et les couleurs ça ne se discute pas » et c’est exactement pareil ici. Pour certains ce peut être un gros plus et pour d’autres vraiment pas du tout. Certains vont aimer celui du cuivre, d’autres celui du fer, d’autres absolument aucun. Pour l’explication du phénomène d’apparition de ces goûts, go sur la première partie de l’article.

 

La montée et la stabilisation en température en revanche donnent un confort supplémentaire vis-à-vis de la perception du mors par le cheval, ce pourquoi elles sont indiquées dans « les plus ». A température du corps, l’objet aurait l’air un peu moins « étranger ».

 

Le choix, côté ergonome

 

En tant qu’ergonome, je privilégie les embouchures dont je connaît la composition, la provenance, les caractéristiques et les interactions, réelles ou éventuelles, avec l’organisme. Ceci explique que je m’entoure de professionnels et de marques qui respectent ces critères. C’est également un sujet majeur pour moi de ce que l’on appelle « la veille professionnelle ».

 

Voilà, cette fois, c’est la conclusion 😀 !

Laetitia Ruzzene

Laetitia Ruzzene

Cet article a été écrit par Laetitia Ruzzene et appartient au titre des droits d’auteurs au site https://www.bit-fitting.fr. Les textes contenus dans cet article peuvent être réutilisés ou distribués dans la mesure de la mention de son auteur ainsi que de l’origine de l’article (lien URL direct).

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